mercredi

" Revoir Paris " : entre fantasme et réalité

L'ailleurs. Ce grand mot qui fait rêver, qu'on imagine, qu'on fantasme. Il est nécessairement mieux que chez nous. Il cache des secrets. Il est à découvrir. Il est excitant et inquiétant. Il est proche et lointain. Il est étrange et fascinant. 

Ce que je vous propose ce soir c'est de réfléchir sur le thème du voyage, de l'imagination et de l'anticipation, à travers une conférence-fiction intitulée "Revoir Paris".


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Février 2156. Kârinh est née dans l'Arche, une colonie spatiale créée par un groupe d'anciens Terriens qui a coupé tout lien avec sa planète d'origine. La jeune femme a toujours rêvé de cette Terre qu'elle n'a jamais vue, et tout particulièrement de Paris, ville découverte dans des livres miraculeusement préservés. Elle a donc sans hésiter accepté de diriger seule le Tube, un vaisseau qui va approcher la Terre.
Pendant son voyage, elle s'immerge mentalement dans le Paris qu'elle fantasme, cherchant à s'approcher au plus près de ce qu'elle espère découvrir sur la planète bleue. Cependant, une fois à destination, la Ville Lumière du XXIIe siècle ne s'avère pas être conforme à ses visions...




De la BD à l'animation


Les deux auteurs François Schuiten et Peeters ont tout d'abord mis en image à travers une BD l'histoire de cette jeune héroïne. En écho à cette première création, ils ont réalisé une conférence-fiction d'une heure où les images défilent, où le récit nous est narré par une voix mystérieuse et ce, ponctué par un accompagnement musical à la guitare. Une atmosphère particulière se met immédiatement en place. Je vous laisse découvrir  les premières minutes.



D'autres représentations ne sont pour le moment pas programmées. Toutefois, dans tous les cas, vous pouvez toujours vous procurer le livre, qui est un bijou visuel.

De la fiction à la pensée 


Au-delà des détails pratiques, j'aimerais attirer votre attention sur les pensées que m'a inspiré cette oeuvre originale. S'il est possible de s'arrêter à considérer cette étrange histoire comme une pure fiction étonnante, on ne peut négliger les questions que soulèvent cette dernière.

> > le voyage 
Un voyage extérieur mais surtout intérieur s'effectue au cours du récit. Le vaisseau de Kârinh comme point de départ, Paris comme destination pour le premier ; les images héritées des livres comme point de départ, l'esprit de l'héroïne comme destination pour le second. Ce double voyage permet de revisiter ce thème si souvent abordé et propose une approche intéressante. Finalement, le plus riche des voyages n'est-il pas celui que l'on fait avec soi-même ?

> > le fantasme
Et puis, il y a cette idée "d'immersion" dans ses propres fantasmes qui m'interpelle. Le rêve s'entremêle à la réalité de Kârinh pour former une sorte de réalité intermédiaire : elle n'existe pas pour nous mais elle existe pour la protagoniste. Elle croit à ses propres fantasmes. L'expression "prendre ses rêves pour une réalité" livre alors pleinement sens ici. On pourrait même aller jusqu'à penser Kârinh comme une descendante d'Emma Bovary, celle pour qui "Paris miroitait [...] dans une atmosphère vermeille." Toutes deux sont victimes de leurs illusions. Toutefois si cela a mené Emma jusqu'au suicide, Kârinh n'aura expérimenté que la déception et l'incompréhension face à un Paris modernisé et méconnaissable. Sans doute que l'on peut ainsi mesurer tout le danger qu'il y a à fantasmer trop fort l'ailleurs.

> > l'anticipation 
Si l'on prend du recul par rapport au personnage de Kârinh, on peut également réfléchir au travail d'anticipation qui a été fait par les auteurs. Le genre a été à la mode ces derniers temps avec les publications foisonnantes de romans justement dits "d'anticipation", pour autant ici, la démarche me semble différente. Souvent, on a décrit un futur chaotique, impitoyable voire déshumanisé ; à l'inverse "Revoir Paris" pense les potentielles répercussions du progrès technique et architectural. Certes, Paris du 22ème siècle ne correspond plus aux images du Paris d'avant mais est-ce nécessairement une mauvaise chose ? L'oeuvre n'émet pas de jugement de valeur. Elle laisse aux spectateurs le choix de décider. Après tout, pourquoi notre Tour Eiffel ne ressemblerait-elle pas à cela dans une centaine d'années ?


Pour conclure ce billet, je vous laisse le soin d'apprécier la frontière entre fantasme et réalité tant dans l'histoire de la jeune Kârinh, que dans vos propres histoires, vos propres voyages. 

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